Il peut sembler étrange de critiquer un livre qui, de toute évidence, est rempli de photographies documentaires et non de paysages. Mais il ne s’agit pas d’un livre documentaire photo ordinaire ; son créateur, Paul Wakefield, est sans conteste l’un des plus grands photographes paysagistes au monde. Et c’est pour cette raison, à tout le moins, qu’il s’agit d’un ouvrage fascinant pour les lecteurs de (service photographie aérienne).
J’avoue un fort intérêt personnel. Paul et moi nous sommes rencontrés pour la première fois lors d’une réunion sociale d’un photographe du National Trust à Londres au début des années 1990. J’avais déjà tous ses livres, co-écrits avec Jan Morris, et j’étais plus que impressionné de parler avec quelqu’un dont le travail m’inspirait tant. Ignorant mes nerfs, Paul tenait à parler de son travail documentaire personnel en Inde. Il avait l’intention, m’a-t-il dit, d’en faire un livre.
J’avoue un fort intérêt personnel. Paul et moi nous sommes rencontrés pour la première fois lors d’une réunion sociale d’un photographe du National Trust à Londres au début des années 1990. J’avais déjà tous ses livres, co-écrits avec Jan Morris, et j’étais plus que impressionné de parler avec quelqu’un dont le travail m’inspirait tant.
Je me souviens alors qu’il ne considérait pas vraiment ce travail comme particulièrement distinct de sa photographie de paysage. Son travail paysagiste, son travail commercial, son travail documentaire étaient en un sens tous personnels. Mais en Inde, il a renoncé à son bien-aimé Ebony 5×4 pouces et a photographié, comme il l’expliquait alors, avec un mélange d’appareils photo Leica et Fujifilm 6×9 (objectif fixe). Personne que je connaissais ne photographiait en numérique à l’époque, et son utilisation du film négatif couleur a probablement été la plus grande révélation.
Paul et moi nous sommes rencontrés à plusieurs reprises depuis, et le travail en Inde est parfois revenu dans nos conversations. Mais il semblait que, comme beaucoup de projets passionnés par la photographie, celui-ci ne verrait peut-être jamais le jour.
C’est donc avec une certaine surprise que nous nous sommes assis autour d’un café il y a quelques mois, et il m’a montré le premier exemplaire sorti de presse de Signs of Devotion, un ensemble de travaux qui ont commencé dans les années 1980 et ont été essentiellement achevés en 2001, il y a plus de vingt ans.
Quiconque possède son livre, The Landscape, connaîtra les normes que Paul a fixées en matière de conception, d’impression, de qualité du papier et de reliure. Au contraire, Signs of Devotion le surpasse peut-être. Le papier est un papier texturé (couché) exceptionnellement épais, bien adapté au style des images. Il a le don de trouver des écrivains spéciaux avec lesquels travailler, comme Jan Morris dans ses premiers livres et Robert Macfarlane dans The Landscape. Le bel essai de Sara Wheeler ouvre Signs of Devotion, et combinés à l’excellente introduction de Shrivatsa Goswami, ces contributions écrites suscitent des attentes à mesure que nous avançons vers les photographies.
Et pourtant, les photographies les dépassent. La précision et le but des images de Paul donnent à ses scènes et à ses sujets la même signification et la même profondeur qu’une peinture de la Renaissance. Cette analogie peut paraître étrange, étant donné que l’Inde de la fin du XXe siècle est bien loin de Florence, de Venise ou de la Flandre du XVIe siècle. Mais la douceur et la chaleur curieuses et brumeuses de la lumière, vraisemblablement une combinaison de chaleur, de poussière et d’humidité, ainsi que le tissu dense de ses compositions, rendent cette comparaison inévitable.
La précision et le but des images de Paul donnent à ses scènes et à ses sujets la même signification et la même profondeur qu’une peinture de la Renaissance. Cette analogie peut paraître étrange, étant donné que l’Inde de la fin du XXe siècle est bien loin de Florence, de Venise ou de la Flandre du XVIe siècle.
La photographie et la peinture ont beaucoup en commun, mais le praticien de chaque art doit connaître les forces et les limites particulières de son médium. De toute évidence, la photographie doit donner la priorité à la réalité qui se déroule devant l’appareil photo. Dans le cas de Paul, son sens du timing, de l’espace et de la chorégraphie des personnages nous rappellent qu’il est avant tout (je dirais peut-être cela) un paysagiste.
Parce qu’il voit et pense avec le sens du positionnement, de la perspective et du souci du détail d’un photographe paysagiste, ces images ont une richesse et une complexité qui récompensent le spectateur attentif plus que toutes les autres photographies documentaires que j’ai vues. Presque toutes les images semblent remplies d’incidents et de détails, toutes observées, notées, incluses – encadrées – car elles représentent quelque chose de l’essence de la vie dans la rue (telle qu’elle l’est principalement) en Inde. Le spectateur peut se délecter du processus d’interprétation de l’histoire de chacune d’entre elles, comme s’il approchait de la fin d’un puzzle particulièrement captivant.
On dit souvent que la peinture est un art additif (défini par ce qu’on y met) tandis que la photographie est soustractive (définie par ce qu’on laisse de côté). Pourtant, Signs of Devotion est rempli de nombreuses images qui semblent définies par ce qui reste à l’intérieur. Aussi triviaux ou aléatoires que puissent paraître les petits objets, formes et surfaces, dans ces compositions, ils contribuent à l’ensemble. Ils prouvent que tout compte, que l’humanité et les autres animaux existent dans la texture fortuite de la réalité quotidienne – et en dépendent.
L’ouvrage prouve l’importance de l’observation immergée. C’est comme si le photographe faisait désormais partie du lieu et du moment, perdu dans les tâches quotidiennes, les devoirs et les interactions et événements sociaux souvent chaotiques qui composent le mystère de la rue indienne. Certaines images défient notre sens de la composition, et pourtant elles fonctionnent grâce à leur tension et leur équilibre (pp. 23, 28, 66). Il est important de rappeler que même si le travail a été réalisé il y a quelques années, il représente des centaines, voire des milliers d’heures sur place avec la caméra.
Bien sûr, il a dû réaliser des milliers de photographies en Inde, et la sélection finale de Paul laisse sans aucun doute de côté de nombreuses autres images merveilleuses. Le séquençage final est sobre et basé sur une compatibilité visuelle, parfois géographiquement spécifique. Pour la plupart, le spectateur peut dessiner sa propre histoire à partir de la combinaison de pages et du flux global. J’ai été heureux de le parcourir encore et encore, de repérer des détails jusqu’alors inaperçus ou de m’émerveiller devant les histoires humaines qui se déroulent dans les rues et les berges des rivières de l’Inde. Chaque photographie mérite qu’on y consacre du temps. Certaines, pages 11, 19, 21, 45, 46, 52, 67, 78, 89, frisent le miraculeux.
Bien sûr, il a dû réaliser des milliers de photographies en Inde, et la sélection finale de Paul laisse sans aucun doute de côté de nombreuses autres images merveilleuses. Le séquençage final est sobre et basé sur une compatibilité visuelle, parfois géographiquement spécifique.
La plupart des photographes ont plus qu’un intérêt passager pour la méthode et la technique, mais lorsque cette méthode est presque complètement invisible parce que les images sont si captivantes, alors c’est la plus grande technique de toutes. Il est tentant de commenter la compréhension qu’a Paul des caractéristiques chromatiques des films négatifs et la cohérence visuelle du fait de limiter son approche à quelques objectifs tout au plus, mais en réalité, rien de tout cela ne semble avoir d’importance.
Ce qui compte, c’est la notion du temps, ou peut-être son absence. L’essai de Sara Wheeler s’intitule A Hand to Catch Time, une idée qui se retrouve dans l’empreinte de main orange qui remplit la page avant le début des photographies. Il y a des dates sur toutes les photographies dans les excellentes pages du catalogue à la fin du livre, mais rien n’indique que la date était 1992… ou 1892… ou peut-être 2092 ? Cela doit être une illusion… un local remarquerait les changements qui se sont produits, en matière de vêtements et de transports, par exemple. Mais il est certain que de nombreuses scènes, et en particulier les rituels observés, étaient les mêmes cinq cents ans auparavant et, avec un peu de chance, le seront dans cinq cents ans. Comme pour toute photographie, le Leica de Paul a peut-être capturé un moment précis, mais d’une manière ou d’une autre, les images défient la gravité du temps.
Le travail est si convaincant que nous avons envie d’en savoir plus. J’ai eu la chance que Paul me parle du contexte à quelques-uns, mais il a laissé les légendes du catalogue très simples, juste le lieu et la date de l’année. Un tel minimalisme laisse beaucoup à l’imagination. Mais il serait également bon d’en savoir plus sur les circonstances derrière chaque image. Ou peut-être certains d’entre eux, en tout cas.
Je ne suis allé qu’une seule fois en Inde, en 2010, puis au Ladakh, cette place forte himalayenne à l’extrême nord de ce gigantesque pays. Ce n’est probablement pas typique de l’Inde et je suis donc arrivé à ce livre avec peu d’histoire personnelle, de perspicacité ou d’idées préconçues sur ce à quoi m’attendre. La lecture des excellents essais introductifs et surtout le fait de m’être régalée des images m’ont permis de sentir que j’y ai fait un voyage intérieur.
J’aimerais terminer en citant le dernier passage de Shrivatsa Goswami dans le livre lui-même :
Paul Wakefield a à juste titre suivi ce chemin de vision. Il a vu le vaste champ des rites indiens tels qu’ils sont. Son regard derrière la caméra a reçu plutôt qu’il ne s’est imposé sur le vu. Son absence permet à la scène vue de remplir le cadre. Il s’est immergé dans cet espace culturel. Son dévouement à la vérité et à la beauté intactes permet aux moments ordinaires de parler pour l’extraordinaire. Ses images représentent la vie telle qu’elle est ; des cours aux ruelles du marché, des animaux aux arbres, des temples aux festivals. Paul a permis à ses sujets vus de parler d’eux-mêmes.
J’aurais aimé écrire ça !
Le livre de Paul est disponible sur son site Internet. C’est évidemment fortement recommandé !